La Nouvelle MUSIQUE des SPHÈRES

dimanche 5 janvier 2014

N°5- La Nouvelle MUSIQUE des SPHÈRES
S.Vauclair/Cl-S.Lévine - O.Jacob/Sciences - 18/11/13 - 182 pages - Tout lecteur.

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RÉSUMÉ : Sur le paradigme d’un cosmos construit sur harmonie et perfection, il faut prendre acte du rôle crucial tenu par l’imparfait propre à justifier la diversité observée. La musique des sphères antiques glisse à l’astrosismologie ; les oscillations acoustiques signent la diversité du chant des étoiles avec un fondamental et des harmoniques.

MOTS CLÉ : tétraktys, sphère, harmoniques, héliosismologie, imperfection.

Les AUTEURS : Sylvie VAUCLAIR est astrophysicienne à l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie, professeur honoraire à l’Université P.Sabatier (Toulouse) et membre de l’Académie Nationale de l’air & de l’espace. Claude-Samuel LEVINE est musicien (musique électronique).

Dépasser la sphère comme forme géométrique parfaite et la reconnaître comme caisse de résonance acoustique ; s’y développe un signal organisé conditionné à entretenir des modes propres. Le soleil, les étoiles ont toutes des vibrations sonores émergentes pour avoir été amplifiées à partir des bruits de leurs zones convectives. Le spectre audio, en forme de courbe en cloche..., montre une fréquence principale entourée d’harmoniques. Hauteur et timbre, définis comme pour un instrument de musique, nous offrent un soleil accordé sur le sol dièse (3,20mHz), intégré à la bande passante de notre système auditif, à condition de le transposer sur 18 octaves ! Confiée aux ondes Martenot (1918) ou au thérémine (1919), il devient possible d’écouter la musique céleste des sphères.

Mais est-ce bien la même harmonie qu’on recherche ? Si les anciens ont été conduits (par qui ?) à trouver raison dans la perfection des résonances musicales (Pythagore), le rationnel ouvre plutôt sur l’imperfection, contraint de tester les modèles construits. De ce monde clos et parfait des anciens, à ces univers infinis (G.Bruno), l’imperfection donne ses ailes à un imaginaire, en amont et en aval du discours de la science, lui suggérant de nouveaux horizons.

Les détails de la gamme pythagoricienne, les relations en termes de nombres établies entre longueur de monocorde et sons émis sont décortiqués. Sur une corde divisée en 4, l’octave, les intervalles de quarte (do-fa/sol-do) et de quinte (do-sol/sol-do) conduisent à un système symétrique. A partir de la définition du ton (intervalle fa-sol), ces 2 intervalles ne comptent pas un nombre entier de tons. Pour la quarte (tétracorde) par exemple, si chaque note est espacée d’un ton, reste un intervalle (demi-ton) qui n’est pas exactement la moitié d’un ton, faisant de ces notes intermédiaires, des notes mobiles à l’inverse des fondamentales immuables. Voilà le bricolage (F.Jacob/Le jeu des possibles) à l’œuvre sur les ruines de perfection et de plénitude divine à l’ombre de la tétraktys. (Triangle pythagoricien à 1+2+3+4=10 points).

Dans la gamme actuelle, un petit peu arrangée, les notes intermédiaires sont respectivement espacées d’intervalles mathématiquement peu précis (2 tons et ½ ton). La division de la corde en 5 parties conduisant à la tierce, est plus efficace. L’imperfection de la musique (et des arts en général) à se plier aux nombres (même en or !), est source de création et de diversité. La quarte augmentée ou la quinte diminuée refusent d’entrer dans le système (diabolus in musica/Le triton). Vieux réflexe, où plutôt que de rebondir sur les difficultés, on préfère les gommer en pensant que l’esprit humain a plus de réalité et d’importance que la nature observée. Les idées fixes ne sont vraiment pas fêtes pour avancer !

La décomposition du son (Série de Fourier) en fondamental suivi d’harmoniques, permet de traiter toute vibration. Les spectres causent d’enveloppe, de formants, de timbre et de couleur sonore. Les intervalles y sont définis rigoureusement sur le modèle d’onde stationnaire, la quinte (3° harmonique) prenant le dessus sur la quarte. L’orchestre peut enfin jouer juste, mais avec des timbres (modes propres) différents.

L’extension des intervalles musicaux aux vitesses des planètes (Kepler), ouvre sur une autre dissociation entre lois musicales et lois cosmiques. Loin des émanations de l’esprit humain, la musique bricole en astrophysique avec l’héliosismologie et l’astrosismologie. On aurait pu aussi évoquer ces ondes acoustiques, analysées sur fond diffus cosmologique (FDC), première lumière détachée de la matière d’un plasma primordial, et où l’on décode la genèse des grandes structures dans le spectre de puissance. On passe d’une caisse de résonance savamment construite par l’humain, à une boule de gaz ionisé (plasma) avec ses figures de Chladni (1756/1827) nées de vibrations en volume. Apparaissent des sphères de nœuds, identifiées sur le soleil par R.Leighton, R.Noyes et G.Simon (1961/Observatoire de Mt Wilson) à partir de l’analyse minutieuse des raies spectrales soumises à l’effet Doppler-Fizeau. Des oscillations périodiques (5 min/3mHz), de faible amplitude, sont détectées, superposées à la granulation de la zone convective. Piégées des limites imposées par leur zone de propagation, elles personnifient la source stellaire. La période des Céphéides, temps mis par l’onde pour traverser l’étoile, justifie la relation période/luminosité de ces variables si particulières. Amplification et amortissement des ondes jouent sur les bornes des limites du domaine d’instabilité de l’étoile (zone convective). Casse-tête observationnel qui impose d’observer sur de longues durées (Antarctique/Espace/réseau terrestre GONG) et en lumière intégrée, globale, et toujours associé à la recherche d’exoplanètes pour en exploiter la même instrumentation (ELODI-HARPS-CoRot-Kepler).

Place à présent à l’orchestre symphonique des étoiles et …du cosmos, avec cet hymne à la joie de deviner peu à peu ; de créer ce halo d’indétermination qui se joue, tant sur le poème, que sur le modèle physique. Imaginaire et rationnel bricolent sur l’imperfection d’une partition non codifiée, à interpréter sur 2 tonalités cérébrales complémentaires. Science et art, voilà notre maquis.

Sur le même trottoir que la chanson du soleil (02) et la symphonie des étoiles (97), c’est la musique de l’universel qui marche à pieds, pour l’œil qui cherche. Une soif comme jalousie de l’eau.

Jacques CAZENOVE - 01/01/14.

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