Le BALLET des PLANÈTES

jeudi 10 juillet 2014

N°29- Le BALLET des PLANÈTES
D.BENSON - De boeck/Plaisir des sciences - 10/03/2014 - 182 p - lecteur motivé

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RÉSUMÉ : Réflexions et analyses géométriques sur l’historique de la prise en charge du mouvement des planètes dans le cadre géocentrique des anciens et héliocentrique à partir de Copernic. De l’élégance mathématique des orbes planétaires par le choix de principes fondateurs (orbes circulaire et mouvement uniforme) en quête d’universalité.

MOTS CLÉ : méthode, relativité du mouvement, épicycloïdes, lois.

L’AUTEUR : Donald BENSON est mathématicien.
Traduction : Benoît CLENET ingénieur informaticien.

A partir des régularités des mouvements célestes, il s’agissait de fournir une explication destinée à sauver les observations capricieuses des planètes dont les mouvements rétrogrades imposaient des choix. Choix du référentiel, d’un centre d’où vont être étudiés les phénomènes, et de principes calés sur la circularité et l’uniformité.

Si le choix du centre est la Terre (1° partie), alors déférents (centré sur Terre), épicycles (tournant sur déférent) et équants (point différent du centre ou excentrique, où le mouvement est uniforme), s’imposent pour sauver les phénomènes et satisfaire les principes librement élus. Les trajectoires obtenues sont épicycloïdales dont l’auteur nous détaille à partir de l’agencement de 2 tiges articulées, telles de bielles de locomotives à vapeur, un théorème qui établit que le mouvement est indépendant de l’ordre de fixation des tiges ! Et de bricoler sur le manège des planètes supérieures et inférieures, dont les épicycloïdes ne sont pas sans poser problèmes avec les sphères cristallines en vigueur. Le système de Ptolémée (85/165) rend compte au mieux dans sa Composition mathématique (ou Almageste/La très grande) de ce modèle complexe, bloqué sur ses préjugés, et dont les nouvelles observations imposent toujours plus de corrections a doc (épicycle excentrique). Analyses graphiques remarquables de l’auteur où chacun appréciera toutes les subtilités ficelées à un modèle en manque de distances planètes/Soleil et dont on sait qu’il suffisait de changer ce centre pour qu’éclate plus de simplicité. Le modèle déférent/épicycle (même excentré) malgré des aménagements ne peut justifier les arcs rétrogrades des planètes supérieures centrées sur les oppositions solaires et les élongations limitées des planètes inférieures. Rien n’empêche d’user de spirographes pour bricoler avec épi et hypocycloïdes.

Reprendre l’idée d’Aristarque et poser le soleil au centre (2° partie) c’est l’idée de Copernic. Toujours bloqué sur le cercle, 34 cercles s’imposent encore pour refuser d’inviter l’ellipse comme source d’harmonie du monde. Il fut le premier à comprendre que distances et vitesses étaient directement associées aux orbes plutôt qu’à des constructions hypothétiques. Devant l’impossibilité de démontrer par des arguments purement cinématiques le modèle héliocentrique, les observations de Galilée (phases de Vénus, satellites joviens) ne firent que confirmer le caractère relatif du mouvement et de montrer que le point de vue géocentrique ne faisait que compliquer l’interprétation. Les observations méthodiques de Tycho et leur exploitation par Kepler (Harmonices mundi/1619) conduisirent Newton (Principia/1687) à proposer enfin une théorie universelle de la gravitation où la chute libre s’appliquait tout autant à la pomme qu’à la Lune (le public actuel a bien du mal aujourd’hui à assimiler ce concept). L’équivalence des 3 lois empiriques de Kepler avec la dynamique newtonienne s’appuie toujours sur schémas et démonstrations géométriques construits sur les propriétés des coniques. L’ellipse au foyer du débat avec l’analyse subtile du problème direct (Si une planète suit les 2 premières lois de Kepler —> alors l’orbite est une ellipse et le moment cinétique est conservé), et du problème inverse (l’orbite elliptique —>implique une force centrale en 1/r²). Les hodographes de W.R.Hamilton (1847) et la référence à l’ouvrage de R.Feynman (Le mouvement des planètes autour du soleil/Jardin des sciences) témoignent d’une volonté à justifier au mieux les divers traitements mathématiques sur cette loi (effrayante) en 1/r², signature lumineuse de sa composante tridimensionnelle.

Excellent ouvrage qui pourra rebuter certains par les nombreux développements mathématiques. Pour d’autres il constituera un outil remarquable ouvrant sur la méthode et les outils conceptuels que l’homo sapiens est capable de construire. Proposer des modèles de plus en plus abstraits, écrits dans le grand livre de la nature en langage mathématique et dont on sait que de gros problèmes restent encore et toujours posés (matière et énergie sombre), tel est notre maquis. Il est là pour nous inviter à revoir ce parcours étonnant où cercles et uniformité du mouvement témoignent de certains blocages et à priori encombrants, pour l’émergence de nouveaux horizons sur de nouveaux paysages.

Et même s’il importe d’être limité pour devenir, il importe aussi de comprendre pour devenir. Et réciproquement….

Jacques CAZENOVE - 16/05/14