ENSEIGNER, c’est ESPÉRER

PLAIDOYER pour l’ÉCOLE de DEMAIN
mercredi 22 mai 2013

N°59- ENSEIGNER, C’EST ESPÉRER. Plaidoyer pour l’ÉCOLE de DEMAIN.
P.Léna - Les défis de l’éducation - Le Pommier - 08/12 - 209 pages - Tout lecteur.

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RÉSUMÉ : Réflexions et manifeste pour cette école de demain si urgente à construire sur l’élan initié par l’expérience la main à la pâte (1996) centré sur l’enseignement des sciences en primaire puis secondaire à l’échelle de la planète.

MOTS CLÉ : Langage, imagination, interdisciplinarité, travail en groupe, relationnel.

L’AUTEUR : Pierre LENA est astrophysicien, membre de l’Académie des Sciences, professeur émérite (Université Paris Diderot), cofondateur de la main à la pâte (96) , délégué à l’éducation & à la formation (2002/2011).

Encore un livre sur l’école ! Comment la construire sur cette cacophonie des opinions ! Plus soucieuse d’une paix sociale, une cogestion élargie (Ministère, syndicats, enseignants), bloque toute tentative de changements sur le fond. L’aventure la main à la pâte (primaire/1996/2012/-collège/6°/5°/2006) et les compétences de l’auteur, (Académie des sciences/1991-Délégation à l’éducation & à la formation/2005), se veulent suggérer des pistes à raisonance planétaire.

Posé sur 4 points de vie, le dossier nous interroge sur les aspects humains et culturels, de cette école de demain si urgente à construire. Points forts émergents des 10 principes de Lamap, ce carnet d’expérience où la maîtrise du langage s’impose aux sciences comme un besoin, à rendre compte des faits observés, poser les hypothèses et exprimer des conclusions. Culture & science dans la société où ces Graines de sciences se veulent promouvoir pratiques et dialogues autour des savoirs à transmettre ! Sciences cognitives et neurosciences ouvrent de nouveaux horizons dès la maternelle (I), lieu privilégié d’exploration scientifique où se structurent dans le cerveau, ces modèles précurseurs à guider la pensée. C’est bien au primaire que curiosité innée de l’enfant et universalité de la science donnent ces ailes aptes à rendre plus fraternelle la communauté humaine en quête de l’inaccessible étoile. Universalité qui éloigne pourtant du sens commun, creusant de nouveaux chemins où la circulation de l’information en temps réel doit faire son nid. Capacité des jeunes à imaginer, à comprendre, à apprendre hors du champ d’une autorité déplacée, quand il s’agit de partager la joie de la découverte. Une science collective enfin intégrée dans la culture solidaire.

Au collège (II) les réflexions portent sur des ados s’intégrant dans les affaires du monde, soumis aux aléas familiaux, aux outils de communication, aux inquiétudes sur leur avenir. Que propose le collège d’une science et d’une technique vectrices, porteuse d’un imaginaire productif et créateur ? Quel diagnostic établir quand les évaluations PISA (Programme International pour le Suivi des Acquis) pointent une France où l’écart entre bons et mauvais élèves est maximal ? Complexité et interconnexion des faits, imposent interdisciplinarité et réflexion sur des notions-clés (évolution, origines, cellule, diversité). Croire & conviction s’effacent devant savoir & raison dans l’unité de l’aventure scientifique & technique où le pédagogue (il accompagne à apprendre à apprendre), à l’ombre de son puits, est fée du chant de la poulie. Tisser des liens entre compétences et connaissances, sortir de l’isolement scolaire, de ses évaluations, promouvoir le travail de groupe qui aide à s’apprivoiser.

Non la science n’oppose pas raison à émotion, rigueur à imagination. Elle conjugue ces termes à sa façon. L’auteur de rouvrir ce débat sur la science (III), si mal intégrée par la culture, et comprise comme arrachement à des certitudes paresseuses pour déchiffrer le Grand Récit du monde, dans l’écriture universelle des mathématiques. Provocante sur nos idées préconçues, nos tabous et nos pensées magiques, elle crée ces espaces de liberté ouverts sur des savoirs neufs, sur une nature non à dominer mais à comprendre en en devenant responsable. Science en fête (1992), Fête de la Science en marge de celle de la musique, où le Ministère de la Culture (sans science) et celui de la Recherche (sans culture !) devraient se donner la patte avec ce brin d’imagination qui font des frontières ces zones de non équilibre de systèmes dissipatifs, auto-organisés par leur complexité. Quel rôle confier au numérique, aux simulations, s’il s’agit de libérer la créativité ? Quelle attention porter sur les notions d’éthique, de précaution dans l’exercice des potentialités ouvertes ? Heureux de voir évoquer aussi ces Olympiades de la physique qui offrent à certains de cultiver quelque passion en montrant qu’ils aiment ce qu’ils font. Fallait-il évoquer ces prophètes plus aptes aux lamentations (pourquoi ?) qu’aux prévisions sur l’à venir (comment ?). Faut-il se satisfaire d’espérer quand l’avenir solidaire est plus à permettre qu’à prévoir ? Passer à l’action, voilà !

Quelle école pour demain (IV)  quand notre système éducatif reste prisonnier d’échéances politiques, de l’inertie des syndicats, du corps professoral, des associations de parents d’élèves et de l’opinion publique ? Il s’agit de tout repenser sur apprendre & comprendre à l’échelle planétaire, avec garantie sur la laïcité, d’ouverture sur le bien commun, de diversité des intelligences. A revoir le rôle des acteurs (professeur, proviseur, inspecteur, recteur..) dans leur tâche d’accompagnement de la jeunesse dans ces lieux de vie, de création des savoirs, de promotion des initiatives, loin de tout cloisonnement disciplinaire à intégrer les outils informatiques. Faire de la science pour structurer les esprits, face à une information omniprésente, plus qu’apprendre la science. Urgence stratégique à passer à l’action ! Le plus beau serait de penser dans une forme qu’on aurait inventée. (P.Valéry/Tel Quel).

Réflexions destinées à tout ceux qui cultivent l’importance du facteur humain, social et collectif de la pédagogie. Mystérieuse physico-chimie d’enthousiasme et de responsabilité pour le savoir enseigné, le talent à communiquer, le respect de ces jeunes avec qui nous partageons si souvent la même ligne d’univers dans ces puits à potentiels qui font de la courbe le plus court chemin. Tous les matins du monde restent encore devant nous ! Essayons de rester surpris par tout, et de nous surprendre.

*Le lecteur motivé consultera l’enquête menée par Émilie Martin dans Ciel & Espace (Oct.12 : le ciel réenchante la science à l’école. Mentions faites d’expériences (CNRS/OHP/Astro à l’Ecole) conduites par des collègues (TIPE/MPS/EDE). Chargé de la culture scientifique & technique Jean-Yves Daniel y pousse à donner à tous les enseignants une culture scientifique.

Jacques CAZENOVE - 04/10/12