De la RELATIVITÉ au GPS

Quand Einstein s’invite dans la voiture
mercredi 22 mai 2013

N°46 - De la RELATIVITÉ au GPS. Quand Einstein s’invite dans la voiture.
P.Spagnou - Ellipses - 05/12 - 158 pages - Lecteur motivé.

JPEG - 82.7 ko

RÉSUMÉ : Le GPS comme prétexte à revenir sur quelques idées fortes de la relativité restreinte et de la théorie de la gravitation où contenant et contenu nous tiennent la main dans notre quotidien. Comment parvient-on à localiser un point sur Terre ? Quelles sont les corrections indispensables pour atteindre la précision exigée ?

MOTS CLÉ : relativités, horloges, synchronisations, idées fausses.

L’AUTEUR : Pierre SPAGNOU est ingénieur féru d’astrophysique. Artisan de la diffusion de la culture scientifique et des aspects contre intuitifs de la science.

Étonnantes applications de la relativité dans notre quotidien où la précision exigée pour localiser un point, nécessite des corrections où pas moins de 5 effets relativistes doivent être pris en compte. Effet Doppler (2° ordre en v²/c²) sur les horloges terrestres (conséquence de la rotation de Terre) et des horloges satellitaires (conséquence du mouvement des satellites). Effets gravitationnels de Terre sur les horloges terrestres, en tant que distribution de masse sphérique ET non sphérique, et sur les horloges satellitaires. Une mise au point sur quelques calculs relativistes s’impose pour planter le décors au lecteur accroché aux racines qui sait déjà (En parle-t-on dans notre scolarité ?) que vitesse et masse créent des distorsions temporelles.

On croisera donc les acquis de la relativité restreinte RR (composition des vitesse, dilatation des temps, temps propre et métrique) pour revenir sur le paradoxe des jumeaux et l’effet Sagnac (1), sans qu’il soit fait référence aux diagrammes de Minkowski si pratiques (Le destin de l’univers/J.P.Luminet). Le principe d’équivalence (accélération=gravitation/masse inerte=masse grave), conduit à la relativité générale RG comme théorie géométrique de la gravitation (2). La matière dit à l’espace-temps comment se courber, et l’espace-temps dit à la matière-énergie comment se mouvoir. Le concept du trou noir exige une mise au point sur sa définition : région de l’espace-temps à la courbure telle que rien ne peut s’en échapper, même pas la lumière.

Une analyse des horloges et du concept de temps (3) s’impose pour la suite du dossier. Temps universel (TU), temps atomique international (TAI), temps universel coordonné (UTC), publié chaque mois par le BIPM (Bureau international des Poids & mesures). L’aspect historique (4) sur les divers tests de vérifications des acquis relativistes (Ives/Stilwell-Poud/Rebka-Hafele/Keating-Vessot/Levine) conduit à une estimation des écarts entre les horloges, compatibles avec la précision exigée par les mesures de position GPS (système de localisation). Ces vérifications se poursuivent actuellement, toutes en parfait accord avec les prédictions relativistes.

Donc, pas question d’envisager le GPS sans prendre en compte la relativité du temps (5). Depuis 1977 une constellation de satellites (24 pour le système GPS/30 pour le projet Galiléo), répartis sur 6 plans distincts inclinés à 55° sur l’équateur, à 20.000 km d’altitude (période 12h), équipés de 3 horloges au rubidium, réglées sur le temps GPS (TAI-TGPS=19s). Disposés afin qu’au moins 4 d’entre eux soient toujours visibles de n’importe quel point de Terre à tout instant, almanachs et éphémérides conduisent par analyse des messages en provenance d’au moins 3 d’entre eux (intersection de 3 sphères) à une localisation. Le 4° assure, à la fois la sécurisation, mais aussi détermination et correction du décalage temporel de l’horloge du récepteur. Les corrections relativistes (6), doivent évidemment être prises en compte si l’on veut que la précision soit de l’ordre du mètre. Elles interviennent à 3 niveaux : effet cinématique de dilatation du temps (RR), effet gravitationnel de ralentissement du temps (RG), rôle joué par les quasars (7) comme balises de position à partir des cartes internationales ICRF2 (International Célestial Référence Frame). Et si on voulait encore plus de précision (8) ? Il faudrait alors chatouiller la picoseconde (10⁻¹²) au lieu de la nano (10⁻⁹), et tenir compte de l’effet Shapiro c’est-à-dire du retard dans la transmission des signaux dû à la courbure de l’espace-temps au voisinage de Terre.

Finalement qu’évoquent toutes ces réflexions sur les GPS (9) ? Les temps multiples ne sont pas ces fictions dont Bergson voulait les voir se plier à ses intuitions et convictions philosophiques. Témoignage de leur efficacité, les théories scientifiques par l’universalité de leur discours, lancent un défi à l’insoutenable légèreté des relativismes cognitifs qui en font des fictions parmi d’autres tout aussi légitimes. Et d’évoquer cet art du doute (zététique) cher à H.Broch qui consiste à promouvoir et clarifier la méthodologie scientifique par un examen critique affectant raisonnements et procédés afin d’en détecter les erreurs en tout genre. Les cas des neutrinos supraluminiques et du boson de Higgs est édifiant : forte médiatisation quand la théorie est mise en cause, avec ces titres accrocheurs « Et si Einstein s’était trompé ? ». Silence radio quand la théorie standard est confirmée et les erreurs sur distances et durées dévoilées.

En annexe (A) le lecteur assidu trouvera ses vitamines dans le calcul du décalage temporel dans la réception de signaux lumineux, tournant en sens inverse, quand ils sont émis par un émetteur-récepteur fixé sur un disque tournant. Cet effet Sagnac (en v/c²), cas particulier de la dilatation relativiste des durées, est un cas typique d’effet boomerang ; sensé révéler les insuffisance de la théorie il en exprime toute sa puissance avec l’application aux gyrolaser. En (B) l’auteur se fait plaisir en rétablissant la priorité de l’œuvre d’Einstein sur Poincaré quant à la paternité des théories relativistes. Mais chacun avait déjà compris tout cela ! Un index des fausses idées, un glossaire, une bibliographie à laquelle il manque le travail de J.Eisenstaedt, J.M.Vigoureux, F.Balibar.

Ouvrage remarquable sur tout terrain par les bifurcations proposées entre théorie scientifique, technologie pratique et réflexions ou analyses des apports en matière de connaissance. Sur le comportement humain, il est rappelé que ce n’est pas notre ignorance qui nous attire des ennuis, mais nos fausses certitudes. Que la vérité est plus étrange que la fiction. C’est parce qu’elle est basée sur des choses possibles, alors que la vérité ne l’est pas. Finalement, l’homme construit des perspectives où il lui manque indéfiniment ce qui n’existe pas. Quel est le rôle de cet inexistant dans le désordre des connaissances quand la science est l’ensemble des recettes qui réussissent toujours !

Jacques CAZENOVE - 20/07/12