Quand les SCIENCES DIALOGUENT avec la METAPHYSIQUE

vendredi 21 décembre 2012

N°74- Quand les SCIENCES DIALOGUENT avec la MÉTAPHYSIQUE
Pascal Charbonnat - Vuibert - 01/11 - 211 pages - Tout lecteur

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RÉSUMÉ : La science doit-elle être neutre sur le plan métaphysique, et s’abstenir d’user d’entités invérifiables et transcendantes ? Comment en faire abstraction quand on traite de création, de commencement et d’origine ? L’idée d’abstinence métaphysique ouverte au milieu du XVIII° siècle, devient référence de l’ouvrage et outil dans les débats sur le créationnisme entre autre.

MOTS CLÉ : abstinence, commencement, origine, mécanisme.

L’AUTEUR : Pascal CHARBONNAT est docteur en épistémologie & histoire des sciences. Membre du comité de rédaction de Matière première. Enseigne en secondaire.

Dans la préface, Francine Markovits-Pessel plante le décors : toute science n’a-t-elle pas sa métaphysique ? Comment s’en abstenir pour aborder les questions de création, de commencement ou d’origine, qu’il s’agisse de l’univers ou des espèces ? L’ouvrage propose une réflexion sur les mécanismes et processus de production de la nature, ainsi que sur les mécanismes historiques et institutionnels de production des savoirs en marge des conflits de pouvoir, des stratégies à contourner la censure. La diffusion des diverses thèses met en lumière l’appui des classes cultivées à promouvoir le matérialisme avec une remise en cause de l’alliance du théologique et du politique.

4 parties sur cette installation d’un matérialisme méthodologique, où l’abstinence (abstention) métaphysique ne concerne que la mise en forme des énoncés, pas forcément leur élaboration mentale. Elle s’exprime avec les physiciens italiens du XV° siècle par un début de mathématisation de la physique, pour ne toucher les sciences naturelles qu’au XVIII°. Cette césure science/métaphysique est l’œuvre d’admirateurs de Newton, modèle alors de scientificité. Les naturalistes, dans un corpus théologico-universitaire à concurrencer, se cognent aux récits révélés concernant l’histoire du globe et des espèces vivantes en marge de fossiles. Ils revendiquent un savoir indépendant sur la question du principe des choses (origine), sur celle de leur survenue (commencement), pour briser l’identité téléologique du créateur producteur des choses (concept des germes préexistants), concepteur des lois. Redessiner la carte des territoires, fixer une limite au-delà de laquelle le discours théologique est inopérant à valider les savoirs (rapport transitif), telle reste la finalité. Stratégie de conciliation, puis processus de séparation, l’idée d’abstinence métaphysique fait aujourd’hui principe contre cet obscurantisme que tentent de réhabiliter les créationnistes en mal d’hypothèses irritantes.

Avec la naissance d’une histoire naturelle des commencements (chap.1), l’essentiel de l’argumentation porte sur la difficulté d’articuler l’idée de formation (Terre) à celle de création (espèces). Il est aisé d’admettre que les lois mécanistes aient produit le globe inanimé, plus délicat pour la génération d’êtres animés. La séparation entre origine (création) et commencement (formation), n’évite pas d’échapper entièrement à la métaphysique du principe ultime oscillant entre création et éternité du modèle cyclique.

L’affirmation du matérialisme (chap.2) où tout ce qui est dans la matière suffit à former la diversité du réel, (La Mettrie -l’homme machine), donne à la connaissance les ailes pour progresser vers de nouveaux horizons, à condition de parvenir au savoir préalable de ses conditions de validité. Le remède consiste à supprimer le transcendant de l’origine (transitivité), de la cause première, en raison de son invalidité dans la connaissance empirique, au profit d’énoncés immanents (principe de matière), ou de leur absence provisoire.

La physicalisation de l’histoire naturelle (chap.3), avec la formation du globe (Maupertuis/Buffon) et la méthodologie posée sur la continuité dans le temps des lois de la physique, fonde le passé de la nature sur les caractéristiques présentes. L’idée de création n’est pas niée (concession), mais elle n’intervient pas dans le discours. Le commencement des objets exige un cadre exclusivement physique à l’image du monde newtonien. (Matérialisme gnoséologique= primat de l’être actuel et sensible sur le sacré).

En conclusion, la contestation de l’identité théologique portée dès 1750 (Art de la fugue de J.S.Bach !) se fait sur 2 fronts : par la critique métaphysique du concept de création, et par la critique empirique de l’importation du concept de création dans les modèles physiques. Le véritable renouveau matérialiste comme méthode appliquée aux sciences naturelles prolongeant la physique de Newton, émerge bien de cette époque comme récusation de la transcendance avec immanentisme méthodologique. Théologiens, philosophes et savants entretiennent des rapports complexes d’ordre social, juridique et politique en vue de légitimer ce bouleversement physicaliste si bien analysés dans l’ouvrage de Pascal Charbonnat. Mais n’y a-t-il pas ambiguïté quand il dit qu’ « il faut chercher à définir le plus précisément possible quels sont les énoncés métaphysiques en accord avec les sciences ». Certes le concept de progrès a été remplacé par celui de complexité, mais que dire de cette quête d’unité autour des symétries mathématiques ? De cette théorie du tout, symbole de fin de la physique, et qui, pour certain, à ce jour bien assis dans le fauteuil de Newton, clame le triomphe ultime de la raison humaine apte à connaître la pensée de dieu ? Les recherches sur les 2 extrêmes des échelles tentent de rendre compatibles nos deux grandes théories sur fond d’espace-temps. Si les mathématiques y creusent leur puits, la métaphysique y puise son eau en décrétant l’univers compréhensible, dans cet ensemble de multivers tout aussi inaccessible que le dieu d’Hawking. Et pour sortir de ce XVIII° siècle en recherche d’indépendance vis-à-vis du théologique, que faut-il penser du chant de la poulie quand Einstein, en panne sur ce dieu qui ne joue pas aux dés, s’entend répondre par Bohr « Mais qui êtes-vous Einstein, pour dire à dieu ce qu’il doit faire ? ». Galilée, tout croyant qu’il était, n’avait-il pas revendiqué pour la science de dire comment va le ciel, confiant aux religieux de dire comment on va au ciel ?

Jacques CAZENOVE - 01/07/11.



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