Le small bang des nanotechnologies

mercredi 30 mai 2012

N°37- LE SMALL BANG DES NANOTECHNOLOGIES.
Étienne Klein -O.Jacob - Penser la société - 01/11 - 154 pages - Tout lecteur.

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RÉSUMÉ : Des problèmes pesant sur sciences & nanotechnologies et les perspectives offertes, cette analyse pose les questions de valeurs mises en causes dans le domaine culturel, éthique et politique. Quel est le rôle des scientifiques et des diffuseurs de connaissances dans le projet de civilisation ? Qu’en est-il du concept de progrès ?

MOTS CLÉ : nanotechnologies, démocratie, éthique, frontières, progrès.

L’AUTEUR : Étienne KLEIN, dirige le laboratoire LARSIM au CEA de Saclay. Auteur de nombreux ouvrages sur le temps en particulier.

Penser la science publie des essais et des rapports écrits par les membres du Conseil d’Analyse de la Société ou par des auteurs sollicités sur des questions de société qui font aujourd’hui débat. Constitué de 32 membres de tous horizons, ce conseil a pour mission d’éclairer choix et décisions du gouvernement concernant ces faits de société.

Encordé par nanotubes, driblant sur fullerènes, l’auteur planche sur les questions posées par les nanotechnologies, sur le projet de la Cité à plus ou moins long terme. Que voulons-nous faire des savoirs, savoirs faire et devoirs faire, offerts par une science main dans la pâte avec la technologie, sans pour autant tomber dans les pièges à sirops si chers aux esprits faibles. Que faut-il comprendre pour devenir ?

Trois mouvements pour installer ce concert. Qu’est-ce que les nanosciences ? Vers le déplacement des frontières. Nanoscience et démocratie.

Si les mots sont bien des outils, ils ne lèvent pas tous les doutes qui pèsent sur cette science le cul entre deux chaises. Elle concerne à la fois les coups de caresses consentis aux atomes individuels (1989-IBM) et donc la quantique, mais aussi des systèmes plus complexes (dits intelligents ?) où émergent de nouveaux paysages plus classiques aux frontières fluctuantes, bousculant imaginaire et craintes comme signes du monde. A ces changements d’échelles correspondent divers champs multidisciplinaires de recherche. Des nanomondes où sont investis d’énormes capitaux répondant aux enjeux d’une société en mal d’innovation. Mesure-t-on les incertitudes, les toxicités, les risques potentiels sur la santé, l’environnement pour établir normes et réglementations sereinement ?

L’énergie, le textile et la santé sont les pistes explorées par E.Klein dans le domaine des applications des nanotechnologies. (Chap.2) Améliorer le rendement des cellules photovoltaïques, des piles. Réduire l’encombrement des puces de PC avec les nanotubes capables de réagir au passage d’un seul électron. Récupérer l’énergie du corps en mouvement avec les nanorubans. Le problème de frontière (décohérence) refait écume, quand les concepts quantiques de superposition, d’intrication et de non séparabilité concernent la cryptographie, la téléportation de l’information et l’ordinateur cantique jouant de bits aléatoires. Ce Small Bang des petites échelles, réplique technologique du Big Bang qui pose notre Univers sur ses rails, nous rapproche de ce bricolage par lequel le naturel joue de l’évolution : par petites doses, et sur un grand nombre de systèmes interconnectés. Il offre à l’Homme de décider des contours de sa propre nature, un biopouvoir colonisateur du corps. Un nanopouvoir contrôleur d’informations, de vie privée et donc liberté individuelle.

Il s’agit bien de repenser le concept de progrès (Chap.3), de lui donner un sens collectif compensant les ravages de cette croissance sauvage (de sauvage ?). Le savoir peut-il se légitimer lui-même dans ce chaos de risques et profits ? Que faut-il penser de cette démocratie participative où l’expert-citoyen est jugé suspect, où le statut de la science est devenu ambivalent ? Aux dires de certains (Einstein !) cette inculture scientifique devienne honteuse dans la mesure où les refuges crèchent par foi sur des parois peu raisonnables. Notre interaction avec le naturel est-elle si loin des réalités pour qu’on puisse jouer des choses absentes qui n’ont pas besoin d’exister pour agir ? Que dire de ces diffusions de connaissances fêtes pour ces greniers d’images où la rigueur n’est plus pente naturelle d’une société fluide, société du spectacle. Trajectoires s’individualisant de pointer le trop court terme. Cadences imposées ne permettant plus d’apprivoiser le temps de nos horloges. Sentiment de manque pesant sur une science en devoir de faire taire malheur et injustice ? Ambivalence d’une savoir en tant qu’idéal, censée effacer le socle des croyances parasites, archaïques, mais contestée, remise en cause, marginalisée par un relativisme encombrant. Par nature critique, réfutable, universaliste, ne nous a-t-elle pas mérité d’être poussières d’étoiles, rameau bien tardif sur l’arbre de l’évolution aux racines interstellaires, d’un à-venir non à prévoir, mais à permettre ? Par ses questionnements au service de la perception du réel matériel, de la pluralité des points de vue (Un point de vue est toujours faux/Valéry), et le débat démocratique qu’elle doit alimenter hors de toute idéologies et préjugés, science & technologies (nano, bio) imposent de parfumer de plus de solidarité le concept de progrès appliqué à tout vivant, dans un environnement à partager. Il se peut que la réalité de l’univers soit dans la permanence du mouvement et de l’évolution d’un hasard nécessaire.

Devenir pour comprendre, ou comprendre pour devenir, that is the question !

Intéressante collection dirigée par L.Ferry, offrant une réflexion sur Science & Technologies, collant à l’actualité d’une société formatée à nous empêcher de nous mêler de ce qui nous regarde, de nous contraindre à décider sur ce qu’on n’entend pas. Pas raisonnable du tout de confier à de quelques bons à rien, de faire presque tout, sur presque rien !

Jacques CAZENOVE - 24/03/11

Outre la bibliographie proposée par l’auteur, on pourra se replonger dans :
Université de tous les savoirs (O.Jacob/Y.Michaud/2000). Volume I.

  1. Expertise scientifique & débat démocratique (P.Boistard-18/01/00).
  2. La technoscience : entre technophobie & technologie (G.Hottois-19/01/00).
  3. Ethique de l’investigation scientifique sur l’être humain (A.Fagot-Largeault-20/01/00).En bioéthique les ouvrages d’Axel Kahn et de bien d’autres.