Penser avec l’infini

jeudi 24 mai 2012

N°84- PENSER avec L’INFINI- Fécondité d’une notion mathématique & philosophique.
Michel Blay - Vuibert-ADPT-SNES - 05/10 - 135 pages - Tout lecteur

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RÉSUMÉ : Nouveaux questionnements sur ces infinis qui nous tiennent la main. Nouvelle façon d’ouvrir au monde, quand la pensée raisonnable dépasse les préjugés théologiques et métaphysiques qui s’accusent. Elle pointe alors sur des horizons qui ne dépendent plus que du mouvement de cet observateur qui déroule les grands axes au delà du sensible.

MOTS CLÉ : finitisme, horizon, liberté, pluralité.

L’AUTEUR : Michel BLAY est Directeur de Recherche au CNRS et Docteur d’Etat en lettres & sciences humaines.

Des routes imaginaires venaient d’être ouvertes par Henri le Navigateur, pour prendre la mer (1440). Prendre la Terre et lui donner de nouveaux horizons fut l’œuvre de Copernic (1543) sur des exigences d’harmonie, d’ordre et de beauté, rejetant du même coup cette multiplicité d’éléments ad hoc qui encombrent les arrières mondes cendrés. Le centre déplacé, il revenait à Bruno d’ouvrir ce monde clos sur la pluralité, toute grand-voiles ouvertes au concept d’infinitude, réfutant ainsi la finitude de l’absurdité de ses conséquences. Attachée au concept d’horizon, pris comme limitation de nos sens, l’infinité des univers peut-être pensée pour une nouvelle cosmologie édifiée sur les ruines de la dichotomie aristotélicienne. Cet infini local, Galilée nous le montre au foyer de ses lunettes, l’inscrivant ainsi dans le chantier des idées voyageuses.

Si c’est bien sur le plan cosmologique que l’aventure fut lancée, c’est sur le domaine des mathématiques que les outils vont être forgés sur l’autel du continu et des sommes infinies. De nouveaux concepts sont introduits comme la méthode des indivisibles (Cavaliéri/1635) développée par Galilée (méthode des agrégats/1638) qui introduit le degré de vitesse par sa représentation géométrique. C’est sur le terrain algébrique que Fermat (Adégalisation/1629) propose de développer une fonction au voisinage d’un extremum, et l’applique entre autre à la réfraction d’une onde lumineuse qui minimise son temps de déplacement (1657). Des hypothèses faites (Fermat/Descartes) sur l’interprétation de la réfraction, s’ouvre un autre débat prometteur sur la nature de la lumière (corpusculaire/ondulatoire) ! Le problème évoqué par Huygens (Horologium oscillatorium-1673) est : comment passer d’une action en terme de chocs (discontinuité), en terme d’une action continue, du traitement du fini à celui d’infinis ?

Avec Newton (Principia/1687), via un processus infinitésimal géométrique, la méthode des premières et dernières raisons lève le voile sur la notion de limite, donnant à l’égalité et à la sommation, rigueur et exactitude dans l’infini. Dès lors l’exigence de mathématicité s’instaure comme le lieu à l’intérieur duquel le travail du physicien doit s’accomplir. Les fluxions vont constituer les nouvelles procédures algorithmiques pour redéfinir les concepts dans le champ des mathématiques en échappant aux pièges des paradoxes impliqués dans le discours sur l’infini (Xénon). Comment résoudre les problèmes dans lesquels est impliquée une action continue ? Le lecteur motivé trouvera dans ce dossier tous les développements géométriques détachés des Principia, constructions originales à l’appui. Il pourra éventuellement les comparer à ceux proposés par R.Feynman (Mouvement des planètes autour du soleil/Jardin des Sciences-97) où cette continuité de l’action obtenue par un passage à la limite conduit, via la loi des aires, à l’expression générale, géométriquement manipulable, des forces centrales.

Leibniz publie (1684) le texte fondateur de sa nova méthodus por maximis et minimis, connu aujourd’hui sous le vocable de calcul différentiel et intégral. Centré sur le concept de difffentia, en relation avec les grandeurs infinitésimales, il indique les procédures pour déduire d’une équation donnée, l’équation différentielle, dont certains ne manqueront pas d’exploiter l’élégance de la méthode (J.Bernouilli, G.de l’Hopital, P.Varignon). Ce dernier construit le premier algorithme de la cinématique appartenant au champ spécifique de la physique mathématique, posé sur le concept de vitesse en chaque instant déjà présentée sous la forme v=dx/dt, et s’efforce de généraliser le formalisme analytique au niveau des forces centrales appliquées aux orbes planétaires (3 mémoires/1670). L’auteur détaille largement les innovations conceptuelles de Varignon lesquelles donneront leurs ailes à la mécanique analytique de Lagrange.

Avec Fontenelle (Entretiens sur la pluralité des Mondes-1686), comme secrétaire perpétuel de l’Académie Royale des Sciences, c’est un travail réflexif d’épistémologue qui est fait sur l’avènement d’une intelligibilité du type mathématique, avec l’infini pour ferment. Un infini libéré des contraintes théologico-métaphysques et qui donne force aux lois et règles pour, à la fois retrouver et ordonner des résultats dispersés, mais aussi, offrir ces nouveaux horizons sur champs des possibles, initiés par Bruno.

Étonnante analyse qui mériterait elle aussi son prolongement, autour de ce souci de l’infini, étalée sur deux siècles (17 & 18°) où les compétences de l’auteur vont à la rencontrent celles des Lumières. Outre l’efficacité des concepts qu’il a permis de tailler dans les idées fixes, il assure l’autonomie de la science en général, de la physique du mouvement en particulier, permettant la construction de nouveaux mondes où l’infini, dans l’exigence de la raison démonstrative, n’est plus réservé à dieu. Dans son infinie solitude, il se peut alors qu’il créa le Cantor (1845-1918) de Halle pour nous dire enfin le maniement de l’infini en tant que totalité achevée…Nouvelles libertés, nouveaux droits sur le terrain des durables qui s’accusent, si particulier à notre espèce, où la pensée se compose avec le mouvement, la multitude des images entraîne, en quelque sorte, la faculté qui les perçoit.

Jacques CAZENOVE



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