Les 4 grands principes qui régissent l’univer

jeudi 24 mai 2012

N°52- LES 4 GRANDS PRINCIPES QUI RÉGISSENT L’UNIVERS
Peter William Atkins - De Boeck - 06/10 - 107 pages - Tout lecteur motivé.

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RÉSUMÉ : Quête intellectuelle du mode de fonctionnement de l’univers autour des 4 principes sur desquels s’organise la thermodynamique et où émergent les concepts de température, d’énergie interne, et d’entropie d’un système.

MOTS CLÉ : température, énergie, entropie, enthalpie.

L’AUTEUR : Peter William ATKINS (1940) est professeur de chimie à l’université d’Oxford (Lincoln Collège). Médaille Medola (69) de la Société Royale de chimie.
Traduction : Paul Depovère.

A partir de considérations expérimentales d’où découlent les principes de la thermodynamique, c’est surtout l’éclairage nouveau sur leur interprétation qui fait l’originalité de cet ouvrage et que le lecteur motivé ne manquera pas d’apprécier.

Imaginé après coup, le principe zéro implique l’existence d’un critère d’équilibre thermique. Il impose le concept de température, comme paramètre résumant les populations relatives des divers niveaux d’énergie d’un système à l’équilibre. Hommage rendu au génial L.Boltzmann d’avoir calculé les distributions les plus probables des populations de molécules parmi les états disponibles d’un système, et où Sa constante k (E=kT) apparaît donc comme un facteur de conversion, de même que c dans E=mc².

Le premier principe est une extension de la loi de conservation d’une entité appelée énergie, capacité d’un système à effectuer du travail. Admettre que les systèmes sont caractérisés par une propriété qui mesure leur aptitude à effectuer un certain travail et définie par une fonction d’état (énergie interne=U), ne dépendant que de l’état du système. Travail et chaleur correspondent au transfert d’une énergie avec le milieu extérieur ; elle est seulement apprivoisée dans le cas du travail. Aspect négatif : aucune variation de U ne peut avoir lieu dans un système isolé. Une autre fonction d’état enthalpie (chaleur de l’intérieur) H=U+pV =est imaginée pour calculer l’énergie qu’un système peut libérer sous forme de chaleur. On notera que la pente de la courbe U=f(T) n’est autre que la capacité calorifique du système comprise comme l’aptitude d’un système à absorber l’énergie qui lui est fournie sous forme de chaleur (terme de dissipation). Le théorème de Noether qui associé à toute loi de conservation un type de symétrie, nous rappelle que l’énergie se conserve parce que le temps est uniforme. Le premier principe est donc une conséquence de la structure temporelle de notre univers.

Le second principe permet de justifier pourquoi telle ou telle transformation, quelle qu’elle soit, se produit. Émerge une fonction S, l’entropie. Alors que U est une mesure de la quantité d’énergie d’un système, S est une mesure de la qualité de cette énergie. (Attention, haute qualité= faible entropie !). Toutes nos actions sont assimilables à ces machines vapeurs calées entre une source chaude et une source froide, où les variations d’entropie sont définies en terme de chaleur et non de travail exécuté. Le rendement, donné par la formule de Carnot, montre qu’il ne dépend que des températures des 2 sources. Aspect négatif : aucun moteur ne peut fonctionner sans source froide. Kelvin et Clausius ont chacun proposé un énoncé dont l’auteur s’attache à justifier leur équivalence et que l’on peut généraliser en disant que au cours de toute transformation spontanée, l’entropie de l’univers ne peut qu’augmenter. Ce qui n’interdit nullement de diminuer localement et de produire du travail (étoiles, systèmes vivants) à condition que globalement elle augmente. Un processus n’est donc faisable que si son énergie totale de l’univers reste constante (1° principe), et n’est spontanée que si l’entropie totale de l’univers augmente (2° principe).

A l’instar de la fonction H associée au 1° principe, les fonctions A=U-TS (énergie de Helmholtz=énergie libre) et G=H-TS (énergie de Gibbs) sont aussi des outils astucieux de comptabilité sans qu’il soit possible d’en donner une interprétation moléculaire simple. Elles permettent des calculs d’énergie (exemples fournis) stockée de manière ordonnée, et leurs variations ne sont que des variations déguisées des variations d’entropie.

Le troisième principe assure le passage entre la définition absolue de l’entropie statistique (L.Boltzmann) et les variations d’entropie thermodynamique (Clausius). Conséquence d’une démarche phénoménologique, il affirme (encore un aspect négatif) qu’il est impossible de refroidir un système jusqu’à zéro kelvin en faisant intervenir une séquence finie de processus cycliques. L’énoncé plus classique de Nernst affirme que l’entropie de toute substance parfaitement cristalline est nulle à T=OK, ce qui laisse entendre que l’entropie peut être chiffrée en se basant sur une échelle absolue. Retour à la case départ avec la température, paramètre attaché aux distributions de population sur les divers niveaux d’énergie disponibles, et d’évoquer des températures négatives à l’instar des lasers où sont bien réalisées ces inversions de population (mais non par voie thermodynamique !). Et l’auteur de regretter tout au long de son discours qu’on n’ait préféré le paramètre béta= 1 /kT pour une meilleure analyse de la situation évitant ici des discontinuités gênantes sur les évolutions de U et de S en fonction de T !

P.Atkins, pour conclure, ne se cache pas d’avoir laissé dans l’ombre la thermodynamique des systèmes hors équilibre (dissipatifs), où leur auto organisation est génératrice d’entropie (I.Prigogine). Même châtiment pour ce sublime lien entre entropie et information en thermodynamique statistique, où l’augmentation d’entropie correspond à un gain d’information. (Cl.E.Shannon).

Remarquable ouvrage dont la brièveté (100 pages) n’est pas sans rappeler celle où excellait Einstein (traduction M.Solovine), quand il présentait sa relativité restreinte à un large public, laissant le souci d’élégance aux tailleurs et aux cordonniers (L.Boltzmann encore !). Et de reprendre avec lui : « Puisse ce petit livre être un stimulant pour beau coup de lecteurs et leur faire passer quelques heures agréables ».

Jacques Cazenove