Demain la physique

jeudi 24 mai 2012

N°30- DEMAIN LA PHYSIQUE. Collectif - S.Balibar & Ed.Brézin
O.Jacob - Sciences - 09/10 - 353 pages - Tout lecteur.

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RÉSUMÉ : A l’initiative de l’Académie des Sciences, les plus grands chercheurs français sont sollicités pour nous faire partager les extraordinaires avancées de la physique moderne, sur l’Univers, la matière, le désordre, et les technologies associées.

MOTS CLÉ : concepts, théories, modèles, lois, incertitudes….

LES AUTEURS : Ouvrage collectif sous la direction de Sébastien BALIBAR et Edouard BREZIN. (Nouvelle édition revue et augmentée)

Ouvrage très dense et centré sur notre façon d’appréhender la réalité de notre univers supposé compréhensible et exploitable par la raison. Le regret se tient prêt.

Dans l’introduction les auteurs rappèlent les fondements de cette relation au monde, autour du choix des paramètres conduisant à une théorie qui propose un modèle fondé sur des concepts dont les limites fixent le domaine de validité, portes grandes ouvertes sur des prédictibilités à venir.

L’ouvrage repose sur 4 piliers : l’univers et ses lois, la matière, le désordre, et la physique en action. Chacun donnant accès à divers chapitres (14 en tout).

L’univers et ses lois ; ne sont-elles pas plutôt celles de notre physique ? Inventées plutôt que découvertes puisque soumises aux nouvelles connaissances et observations ?

Diversité des systèmes planétaires observés dont on proposait pourtant un modèle cohérent de formation quant au nôtre. Formation des étoiles dont le récent modèle hiérarchique à base de matière noire semble inverser l’ancienne logique établie depuis que nos appareils et techniques d’observation ont été améliorés ! Faut-il s’étonner que les questions fondamentales concernent la structure de l’univers d’autant que 67% de sa densité d’énergie serait de l’énergie noire et 30% de matière sombre de nature inconnue. Les théories physiques actuelles associées à une vingtaine de constantes fondamentales ne causent donc que sur les 3% de matière baryonique dont les inhomogénéités primordiales conduisent à un univers plat proche de sa densité critique. Du concept de symétrie, associé à des invariants, et du mécanisme de symétrie brisée émergent des unifications prometteuses dont les prédictions portent sur la singularité initiale mais aussi sur l’homochiralité du vivant. Retour sur Terre, machine thermique, pour évoquer entre autre, la génération du champ magnétique et son comportement chaotique associé à des inversions.

La matière, c’est essentiellement le domaine où la quantique opère ses exploits les plus étonnants tant ils imposent des ruptures avec nos concepts classiques, que par la précisions des résultants obtenus. Des inégalités de Bell (1960) liées à l’inséparabilité d’une paire de particules intriquées, aux condensats de Bose-Einstein, se sont les notions de traitement de l’information (cryptographie) et de mesure du temps qui sont mises en œuvre dans les techniques nouvelles. Le piégeage d’objets élémentaires permet des tests sur les symétries et leurs brisures. De l’existence de sauts quantiques quand le système cesse d’être dans une superposition d’états, s’immiscent de nouvelles méthodes (Monte Carlo) de description de ces systèmes micro et mésoscopiques où le concept de décohérence, non maîtrisé, appelle l’interaction avec le milieu extérieur. La loi de Moore permet d’envisager d’atteindre les limites quantiques du nanomètre (2020) où les électrons pièges dans des puits d’épaisseur ajustable à l’atome prêt, conduisent à des lasers de couleurs différentes. Avec la spintronique, un domaine s’est ouvert avec les multicouches magnétiques (GMR) et ses capacités de stockage de l’information. (A.Fert-Nobel 07). Enfin cette matière dite molle, dont la réponse est grande aux faibles sollicitations, et qui traite des cristaux liquides, des colloïdes et des polymères attachés au concept de reptation. Le rôle des symétries et des analogies avec les changements d‘états (G de Gennes-Nobel 91) fut déterminant dans la compréhension des phénomènes. A l’angle des questions, la structure de l’eau n’a pas encore livré tous ses secrets.

Le désordre, où le système s’auto-organise pour explorer de façon optimale une plus grande partie du paysage énergétique. Quelle est la grandeur que ces systèmes cherchent à optimiser ? Comment prendre en compte la diversité des états métastables de ces systèmes, sinon par des méthodes de tests accélérés ou par des changements d’échelle des phénomènes physiques étudiés ? Et ces grands nombres de mécanismes imbriqués qui caractérisent tous ces processus naturels souvent régulateurs, et dont la non linéarité est source de diversité. Etats stationnaires ou périodiques ils puisent l’énergie nécessaire à compenser les processus dissipatifs par leur interaction avec le milieu extérieur. Très sensibles aux conditions initiales, ils conduisent à des comportements chaotiques ou turbulents, tels ces écoulements atmosphériques et océaniques en interaction, limitant les prévisions des simulations numériques dans le domaine météorologique ou climatique. Cette interface océan-atmosphère doit être associée au rôle du cycle continental de l’eau, au transfert de l’eau et du carbone par les plantes, et complétée par un bilan énergétique du système Terre avec l’estimation de l’absorption et de la réflexion du rayonnement pour conduire à des modèles (radiatifs) d’évolution climatique détaillées et fiables.

La physique en action, c’est aussi la mobilisation des scientifiques pour faire connaître la mesure des problèmes (énergétiques et climatiques) qui se posent et de contribuer à les résoudre à l’échelle de la planète. Et même si une part d’incertitude entache les prévisions (complexité du système, facteurs économiques et politiques), l’évolution de nos mentalités pèse lourd dans le débat actuel. La production d’énergie (nucléaire) engendre aussi le stockage des déchets (plutonium) à moins que ceux-ci ne soient incorporés dans le combustible (réacteurs de 4° génération). L’apport de la physique à la biologie porte à la fois sur l’instrumentation (imagerie), mais aussi sur de nouveaux concepts (fluctuations, sélectivité, réseaux de neurones), issus de la physique statistique hors équilibre et de la matière molle.

Cette confrontation entre concepts et réalité qui est l’essence même de la physique, conduit les scientifiques, sur la gâchette du désir, à des objectifs parfois contradictoires (performances, besoins, informations), mais le véritable défi semble être celui des choix, des décisions qui doivent être prises et qui concernent l’avenir de notre espèce qu’il faut imaginer heureuse, sur une planète à ce jour unique, et où le soleil continuera malgré tout à rouler sur son horizon. Une physique à deux mains, une qui donne, l’autre qui prend. Ouvrage de référence et de réflexion, pour faire le point sur nos connaissances et leurs finalités.

Jacques Cazenove