Galilée et les poissons rouges

jeudi 24 mai 2012

N°28- GALILÉE ET LES POISSONS ROUGES - Jean-Jacques Greif
Roman & plus - Le Pommier - 05/10 - 180 pages - Tout lecteur.

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RÉSUMÉ : Autour de la biographie à la fois libre et rigoureuse de Galilée se glisse une vision très attachante d’un personnage dont chacun sait qu’il renouvela la façade des idées, embarquant sur son mât l’ombre bleue des croyances.

MOTS CLÉ : science, superstition, inertie, ineptie

L’AUTEUR : Jean-Jacques GREIF est journaliste à Marie Claire depuis 1975, ancien élève de Louis le Grand et de Polytechnique.

Étonnante collection (Roman & plus) dédiée à ces histoires où se cachent une explication, une morale, un enseignement. Il faut avoir eu des élèves devant soi et beaucoup les apprécier pour écrire avec autant de fraîcheur pareil ouvrage sur un pareil bonhomme au caractère si irritable. Et puis il y a les autres Mozart, Einstein ; pourquoi pas Humboldt ?

Il s’agit donc d’une biographie de Galilée où les talents de pédagogue et l’érudition de l’auteur se manifestent surtout dans l’approche de certains concepts pas toujours faciles à accepter et souvent rattachés ici à des légendes, donc pointées du doigt comme, il se doit. Il s’agit bien sûr de celles attachées au pendule, à la tour de Pise, à la lunette perchée sur son campanile vénitien, au procès de 1633 à Rome. Sur le principe de l’inertie, on aurait pu mentionner ce détail qui porte une ombre sur sa paternité puisque Galilée l’appliquait aussi au mouvement circulaire uniforme dont on sait bien qu’une accélération centrale conditionne la forme de la trajectoire. Mais c’est avec grand plaisir que l’on retrouve ces petits schémas si convaincants et qui évoquent déjà ces expériences de pensées, fenêtre vers d’autres horizons. Il me manque des mots que les autres ont pris. Comment faut-il qu’on me comprenne ?

S’appuyant sur la correspondance avec sa fille aînée Virginia alias sœur Maria-Céleste, et profitant de certaines imprécisions ou effacements de preuves, l’auteur se laisse guider par son imagination. Solidement ancrée à la fois sur une abondante bibliographie mais aussi sur une grande estime du savant, elles conduisent le lecteur à rentrer dans le jeu de cet homme dont le génie et les intuitions pas toujours heureuses (marées, comètes), à glisser sur un orgueil et un ego dont chacun sait qu’il fut parfois lourd de conséquences. Les écrits de Copernic auraient pu avoir un meilleur avenir. Une collaboration plus efficace avec le brave Kepler et un peu plus de considération pour l’œuvre de Bruno peut-être ? J’ai dû me tenir à l’écart….

On appréciera surtout ce travail d’élagage où l’on ne retient finalement que de l’essentiel au risque parfois de taquiner le puriste qui aurait mal saisi les intentions de l’auteur. On comprend bien que Galilée nous arrache du monde scolastique où le savoir s’acquiert par la lecture des anciens, et qu’il faut se soumettre aux observations, aux expériences et aux mesures. Quoi que, certains brouillons de Galilée (feuillet 116v)…Croyez-vous qu’on me surveille ? Et que s’impose aussi, pour le bonheur de tous, un partage entre science et foi, entre le comment va le ciel, et comment on va au ciel. Les problèmes familiaux du grand homme, ainsi que le contexte social et politique de l’époque (Guerre de 30 ans, contre réforme) sont clairement décortiqués. Et même si l’évocation de certains complots de bas étage ne sont pas évoqués, ils conduisent l’auteur du Dialogue devant le tribunal de l’inquisition malgré un très mauvais état de santé et en plein hiver (13/02/33). On sait que cela se termine (22/06/33) par une abjuration qui pose encore à ce jour problème à l’église (Il avait peut-être raison, nous n’avions pas tort). Il est vrai que jamais Galilée n’a été en mesure de prouver que la Terre tourne sur elle-même (Pendule de Foucault-1851). Mes élèves étaient toujours amusés par les informations propagées par les guides (professionnels !) à Florence quand ils relataient, avec tout le sérieux qui s’imposait, les tortures, puis le cachot infligé à Galilée et ce jusqu’à sa mort. (Musée de la Science -Sta Croce). On trouvera dans cet ouvrage, où les poissons rouges relativisent à leur façon tout mouvement inertiel, une approche bien plus conforme et surtout plus sympathique, de ce que dut être la réalité des faits. Même mon ombre hostile s’est écartée de moi.

Le lecteur trouvera dans les annexes d’intéressantes remarques dont on évoque peu souvent l’intérêt. Bien évidemment, la vitesse initiale de chute de la bille au haut du mât du bateau étant supérieure à celle du pont…le bille tombe non pas derrière, ni au pieds mais bien en avant du mât ! Chacun appréciera aussi la construction physique d’une trajectoire parabolique ou les problèmes liés à la mesure de la longitude. Nos élèves de terminale peuvent encore travailler sur la chute d’une boule de pétanque (0,7kg) et d’une balle de tennis (58g) de même diamètre (7,5cm) du haut de la tour penchée de Pise, et de montrer que les 51m de chute avec frottements, assurent à la première une avance de 11m (0,52s) sur la seconde au niveau du sol (Génies de la science no.99)….Il va falloir descendre, et rien n’aura servi de rien.

Un vrai régal que l’esprit qui monte à la corde croque dans l’élan d’une mémoire lavée par l’eau de la défaite. Tout ce que l’on savait allait finir. Au ciel un œil vient de s’ouvrir. Ce que j’aime au fond, c’est ce qui passe.

Conseil : prendre aussi connaissance de l’auto biographie de l’auteur sur le net. jjgrefl.com

Jacques Cazenove



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