Histoire de l’astrophysique nucléaire

dimanche 20 mai 2012

N­°63- HISTOIRE de L’ASTROPHYSIQUE NUCLÉAIRE. La naissance des atomes.
Ludwig Celnikier - Vuibert - Le miroir des sciences - 04/08 - 240 pages - Tout lecteur.

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RÉSUMÉ : Grande fresque sur l’aventure historique, épistémologique et pédagogique de la nucléosynthèse des divers éléments de matière constituant notre univers et conduisant, par un « réseau complexe de réactions opérant dans divers contextes astrophysiques », du simple au complexe entre deux vides.

MOTS CLÉ : atome, vide, champ, nucléosynthèse.

L’AUTEUR : Ludwig CELNIKIER est docteur en physique (Impérial Collège de Londres), a été chercheur au CERN et enseigne l’astrophysique à l’observatoire de PARIS-MEUDON.

Comme le précise Michel CASSE dans sa très belle préface, « le lien entre la Terre et le Ciel, le passé et le présent, n’a jamais été aussi évident » depuis que nous savons que « les processus nucléaires sont les moteurs de l’évolution de la matière ». C’est dans le sillage des philosophes grecs, pour qui le cosmos se devait d’être rationnel, que l’auteur s’engage dans cette réalité faite uniquement d’atomes et de vide. Dans ce premier dossier, on retrouvera tous ces « fantômes de l’antiquité » que sont les 4 « principes », terre, air feu et eau, à partir desquels s’articulaient leurs divers modèles et auxquels s’ajoutait un cinquième, la fameuse quintessence aristotélicienne, devenue pneuma stoïcienne, puis éther tourbillonnaire cartésien. On la retrouve de nos jours, avec cette même volonté de « sauver les phénomènes », dans les concepts tout aussi subtils de matière noire et d’énergie sombre.

Avec le grand coup de balai du début du XX° siècle, la notion de champ permettait au vide de faire le plein, à la matière de tordre l’espace-temps. Qu’il s’agisse de rides géométriques de l’espace relativiste ou d’oscillateurs quantiques, « l’insoutenable légèreté » du point zéro émerge telle une propriété réelle, inéluctable (pression négative ?) de ce vide, clé de voûte de notre physique contemporaine, non dépourvu pour autant de tous ses fantômes.

Retour sur l’atomisme avec ce rapport intime entre lumière et matière et qui débouche sur l’universalité des phénomènes cosmiques, d’une racine commune pour toute la matière-énergie. Ce sera le « protyle » de Crookes, l’atome primitif de Lemaître, ou l’ylem de Gamow, le champ unifié primordial de la cosmologie inflatoire actuelle. La spectrométrie et la thermodynamique font parler les étoiles (H.Russell), des catalogues d’éléments et des horloges rythment leur vie thermique ainsi que celle de l’univers doté d’une flèche du temps.

Avec la radioactivité (1986) un nouvel outil permet aux astrophysiciens de justifier la diversité observée du monde atomique à partir d’un seul processus auquel sont associées les notions, de défaut de masse, d’effet tunnel, de section efficace et d’énergie de liaison associée à l’abondance observée des éléments (règle de Hawking). Identifier la source d’énergie des étoiles, conduit aussi à mettre en place une nucléosynthèse quantitative dans laquelle l’hélium pré-stellaire semblait jouer un rôle essentiel (Atkinson & Houtermans).

Nouvel acteur dès 1920 avec la cosmologie observationnelle, la fuite des galaxies, le rayonnement fossile (Alpher & Herman) et la singularité initiale imposent une nucléosynthèse primordiale, pré-stellaire. Il apparaissait alors que les étoiles se forment dans un milieu dont la composition dépend de l’histoire de l’univers (Weizsäcker). Le dogme du « site chaud unique » pour la synthèse de éléments, malgré les efforts des Burbidge, Fowler et Hoyle (Origin of Elements in Stars.56 et B2FH.57), ne put résister aux abondances observées pour l’hélium, aux conditions exceptionnelles exigées pour sa formation, ainsi que pour le deutérium, lithium et béryllium qui eux, seraient détruits dans les creusets stellaires. Au dernier acte le constat est le suivant : au Big-Bang, enfin pris au sérieux, les éléments légers et l’hélium (25%) en particulier ; aux étoiles tous les autres ! Aux simulations hydrodynamiques tridimensionnelles d’ajuster ensuite les divers paramètres (densité de matière-énergie, température…) pour en peaufiner les divers mécanismes, les oscillations des neutrinos en particulier, et mettre, entre autre, hors de cause les rayons cosmiques de la friture baryonique.

Le lecteur soucieux de replacer la science dans son contexte historique, ne pourra qu’apprécier cette grande fugue globalisante, universaliste, orchestrée par l’auteur sur le thème de la matière qui pense sur la matière inerte, entre deux vides. Chacun se délectera de ces polémiques humaines et expérimentales et du rôle joué par l’intuition, les idées préconçues, la chance, le hasard, les passions, les erreurs à corriger, de chercheurs finalement toujours soucieux de « sauver les apparences ». Étonné encore par l’érudition de l’auteur qui nous cloue au cœur de l’anecdote de cette « ignorance savante », véritable moteur de l’aventure scientifique, évitant « cette suffisance dans la certitude qui révolte ». Faut-il rappeler que l’unification physico-mathématique entre macro et microcosme n’ouvre que sur 4% de matière reconnaissable, et que le reste (26%+70%) n’est pas sans rappeler les vieux fantômes quintescents ?

Un tableau synoptique (personnel) de quelques 25 pages ( !) rend compte des découvertes en astrophysique et dans les matières annexes au XX° siècle, témoignage de la volonté de l’auteur de privilégier le volet historique, épistémologique et pédagogique de son excellent ouvrage.

Jacques Cazenove



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