Aux confins du système solaire

dimanche 20 mai 2012

N°51- AUX CONFINS DU SYSTÈME SOLAIRE
A.Doressoundiram - E.Lellouch - Belin pour la Science - 06/08 - 160 pages

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RÉSUMÉ : Le point sur nos connaissances des objets gravitant autour du soleil au-delà de l’orbite de Neptune, dans la ceinture de Kuiper et le nuage de Oort avec mise en place d’une modélisation autour du phénomène de migration des planètes. (Modèle de Nice).

MOTS CLÉ : résonances, troncature, objets dispersés et détachés.

LES AUTEURS : Alain Doressoundiram est astrophysicien spécialiste des planétoïdes Responsable du projet Bepi Colombo sur Mercure. Emmanuel Lelouch est astronome spécialiste des atmosphères et surfaces planétaires. Tous deux chercheurs au LESIA. (Laboratoire des Études Spatiales de d’Instrumentation en Astrophysique).

Les nouvelles technologies CCD associés à de grands télescopes ont permis depuis les années 80 d’accélérer les découvertes observationnelles dans le domaine des objets transneptuniens. Quelques 1200 planétoïdes (2008) constituant la ceinture de Kuiper ont fait l’objet d’une nouvelle classification conduisant à une meilleure compréhension du système solaire et de sa formation.

Les objets dits classiques (55%) évoluent sur des orbites stables, non résonantes avec Neptune et dont l’inclinaison impose une différentiation « climatique » et historique entre objets « froids », et « chauds » aux orbites très inclinées. Les objets dispersés (5%) aux orbites très elliptiques sont en interaction forte avec Neptune. Le plus excentrique de la famille (e=0,96/i=20°/a=552UA /T=13000 ans) est l’objet qui s’éloigne le plus du soleil, frôlant de Oort. Les objets détachés (5%), non liés à Neptune, sont eux aussi sur des orbites extrêmes, mais stables. Sedna, découvert en 2003, avec un périhélie de 76UA, une aphélie de 893UA et une période de T=11000 ans en est l’objet typique. Les objets résonants (29%) ou plutinos (petits Pluton) font référence à Pluton (devenue planète naine en août 06) parce que leurs orbites stables occupent des résonances (3/2-4/3-5/3-7/4-2/1 et 5/2) avec l’orbite de Neptune (ils font par exemple 2 révolutions quand Neptune en fait 3, comme Pluton !).

Une autre population dite associée peut-être aussi intégrée à la ceinture de Kuiper : elle est constituée des Centaures (5%) tels Chiron et Pholus, sur des orbites chaotiques et quelques 200 comètes à courte période, la distinction entre ces 2 types étant pour le moins floue. Certains de ces petits corps du système solaire ont pu être capturés par les planètes géantes dont ils croisent l’orbite, entrant ainsi dans une nouvelle sous classe de satellites irréguliers. La densité des petits corps, dans la ceinture de Kuiper au centre du débat, fait apparaît une troncature du disque au delà de 48UA pour les objets « froids » (orbites circulaires, peu inclinées).

Les travaux des deux auteurs portent sur la mesure des indices de couleur, spectroscopie du pauvre, permettant d’avoir des informations sur la nature des surfaces. Les courbes de lumière, mettant en évidence une périodicité, peuvent avoir deux origines : un effet de forme du à la non sphéricité de l’objet ou un effet de tâches d’albédo sur un objet sphérique donnant accès, comme sur Pluton, à des effets d’atmosphère ou à des changements climatiques. Mais dans la majorité des cas ces objets transneptuniens sont très difficiles à voir et à calibrer, leur luminosité dépendant fortement de leur distance au Soleil et à la Terre. Les estimations du diamètre, de l’albédo et de la température s’accrochent au rayonnement thermique émis (Spitzer-2003). Les spectres obtenus permettent d’identifier la molécule d’eau sous forme cristalline ou amorphe et d’évoquer le cryo-volcanisme, mais aussi le méthane, l’azote, le méthanol et l’ammoniac. Peut-on évoquer la présence d’une atmosphère, de gaz en équilibre avec une phase condensée à l’image du Pluton où l’on envisage un phénomène de redistribution cyclique, conséquence de la forte ellipticité et de l’inclinaison de son orbite ? Comme pour les exoplanètes (294 découvertes à ce jour) c’est l’extraordinaire diversité des objets constituant la ceinture de Kuiper qui surprend et qui réclame les simulations informatiques pour en décortiquer les « tendances », résultant de propriétés physiques corrélées. Avec là aussi un problème de masse manquante dans un rapport 100 à 1000, pour que des objets de la taille de Pluton aient pu se former !

Le modèle de Nice ou « Nice model » offre, outre un joli jeu de mots, une réponse à pratiquement toutes les questions posées. Il repose sur une interaction gravitationnelle conduisant à une diffusion des planètésimaux du disque vers Jupiter et Saturne conduisant Uranus et Neptune à migrer vers l’extérieur, et avec elles les positions de leurs résonances, piégeant quelques uns d’entre d’eux sur leur passage sur des orbites type « dispersées » et « détachées ». Après une phase chaotique ce modèle permet de retrouver l’essentiel de la dynamique de la ceinture de Kuiper avec en prime la justification des « troyens » positionnés aux points de Lagrange L4 et L5 sur l’orbite de Jupiter, mais aussi l’existence des astéroïdes et des mers lunaires !

Augmenter l’échantillonnage des observations, tel est l’objet des missions à venir tel le projet Pan-STAARS (2010) avec ses 4 télescope de 1,8m, le télescope spatial européen Herschel (2009) et le projet ALMA (2013) avec ses 64 antennes millimétriques de 12m, sans oublier la sonde New Horizon lancée vers Pluton le 19/01/06 et qui l’atteindra le…14/07/15. L’étude des disques d’accrétion autour des étoiles et des exoplanètes complète évidemment ces connaissances sur la formation et l’évolution de structures telles la ceinture de Kuiper.

Et puis il a bien fallu en arriver à se mettre d’accord (08/06-Prague) sur la définition d’une planète autour du concept « d’objet ayant nettoyé l’environnement de son orbite » associé aux processus de leur formation de la planétologie comparée !

Travail de très grande qualité, tant sur le plan de la présentation (nombreux encarts très pédagogiques), que sur celui des illustrations et graphiques, et où les compétences des deux auteurs nous permettent d’être au cœur de l’actualité, de mesurer l’enjeu de leurs recherches sur l’histoire et la physique de notre proche environnement cosmique.

Jacques Cazenove