Quand le ciel nous bombarde

dimanche 29 avril 2012

N°12- QUAND LE CIEL NOUS BOMBARDE. Qu’est-ce que les rayons cosmiques ?.
Michel Crozon - Vuibert - 06/05 - 246 pages - Lecteurs motivés et curieux de science.

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RÉSUMÉ : Restés longtemps énigmatiques, les rayons cosmiques font aujourd’hui encore l’objet de nombreuses recherches multidisciplinaires et internationales. L’ouvrage s’en fait le témoin privilégie grâce aux compétences et au talent de diffuseur scientifique de son auteur.

MOTS CLÉ : ionisation, compteurs, chambres, gerbes atmosphérique, rayons cosmiques.

L’AUTEUR : Michel Crozon est directeur de recherche émérite au CNRS et spécialiste des particules.

L’histoire des rayons cosmiques constitue un des plus beaux exemples de l’aventure scientifique telle qu’elle fut ouverte par Galilée : un support empirique où l’inattendu et la singularité de certaines observations ont conduit à la construction d’instruments où se déploie « l’imagination technicienne ». Aujourd’hui la recherche des très hautes énergies engendre des productions collectives à l’échelle de la planète. Au croisement de plusieurs disciplines concernées, cette « globalisation de la recherche », avec la garantie de qualité qui en résulte, reste un modèle d’élaboration d’un savoir universel concernant l’organisation de la matière qui nous constitue.

L’ouvrage de Michel Crozon retrace l’épopée de ces rares particules très énergétiques qui heurtent la Terre et y produisent des gerbes hadroniques et électromagnétiques. C’est Viktor Hess (1911), s’appuyant sur les mesures de A.Gokel et W.Kohlhörster, qui attribua à ces « rayons d’altitude » une origine cosmique. R.A.Millikan, étudiant leur fort pouvoir de pénétration et convaincu de leur caractère photonique dans le cadre de sa théorie de la création permanente de matière, leur donna le nom de « rayons cosmiques ». L’auteur insiste sur l’importance, dans cette recherche des développements technologiques, largement illustrés, : électromètres, compteurs Geiger-Müller (1912), chambres à brouillard de Wilson (Nobel 1926), émulsions hypersensibles et polymères scintillants, circuits de coïncidence et d’anticoïncidence de Rossi (1929) compteurs d’impulsions et leurs perfectionnements successifs. Ils permettent d’isoler les phénomènes, d’en alimenter des bases de données chiffrées, garantissant un échange fructueux entre expérience et théorie mathématisée, d’où émergeront plus tard des simulations numériques si efficaces pour la manipulation des nombreux paramètres.

La nature particulaire de ces rayons était solidement confirmée dès 1937, entre autre par l’équipe de L.Leprince-Ringuet. La distribution de leurs énergies met en évidence en 1936 une « loi de puissance » (Blackett- Nobel 1948) suggérant que ces énergies pouvaient atteindre des valeurs très élevées expliquant les gerbes (shower) observées, provenant de la création, grâce à l’énergie du choc, sur les noyaux, de particules nombreuses. L’équation relativiste de Dirac (1929) offre aux cosmiciens le support quantique permettant à C.D.Anderson d’identifier (1932) le positron et d’ouvrir l’armoire aux symétries propres à l’antimatière, l‘année même où J.Chadwick identifiait le neutron ! L’observation de gerbes dans les chambres à brouillard équipées de plaques de plomb, accompagne la naissance de la physique des particules mais aussi de ce que l’on appelle aujourd’hui « astroparticules ». Etroitement associés à des phénomènes cataclysmiques, supernovae et hypernovae, quasars et trous noirs, éventuels défauts topologiques, les rayons cosmiques en constituent une « signature » ballottée par les lignes des champs magnétiques galactiques et stellaires, souvent révélée par la lumière (effet Cherenkov ou scintillation) qu’ils émettent dans l’atmosphère.

Il est difficile de retracer l’ensemble des tâtonnements relatifs à ce « zoo » particulaire d’hypérons, mésotrons, pions, étranges événements en V, dans lesquels il revenait à M Gell-Mann (Nobel 1969) de mettre un peu d’ordre à partir du concept d’étrangeté qui conduisit à la théorie des quarks, puis au Modèle Standard fondé sur un ensemble de symétries d’ordre mathématiques.
De la poursuite du mésotron-muon aux expériences de Pierre Auger (1938) jusqu’aux dispositifs actuels, le lecteur se délectera de suivre cette magnifique aventure dans laquelle l’énigme des rayons cosmiques, grâce à des « expérimentateurs rusés et à des théoriciens imaginatifs », est devenue un outil efficace de découverte.

Pour les UHECR (rayons cosmiques d’ultra haute énergie), les dispositifs, qu’ils soient installés au sol (observatoire AUGER) ou sur des satellites, (projet EUSO et OWL) et subissant l’effet GZK où les protons réagissent avec le fond cosmologique diffus ou, pour les énergies les plus basses, embarqués dans des sondes (projet ACCESS et AMS), les dispositifs actuels sont là pour répondre aux deux questions essentielles : leur origine et leur composition. Il s’agit notamment de reconstituer les mécanismes de l’accélération qui leur confère des énergies aussi grandes. Hadroniques ou photoniques, les gerbes hautement énergétiques sont les conséquences d’inconcevables événements cataclysmiques, dont les galaxies sont le siège et dont nous tentons de comprendre les mécanismes, à défaut d’en imaginer le sens.

Remarquable ouvrage qui fait le point sur un sujet dans lequel « le corps à corps avec les phénomènes » est loin d’être achevé. Chacun pourra apprécier les qualités de pédagogue de Michel Crozon dont le grand mérite est de vouloir faire partager le savoir acquis par la démarche scientifique,

« comment théorie et expérience s’articulent, comment à partir d’un même objet d’étude s’enrichissent mutuellement divers champs de la connaissance, comment une démarche expérimentale exploratoire peut ouvrir des pistes, soulever des questions (…) et élargir des perspectives théoriques ».

J’ai eu la chance de discuter avec Michel Crozon dans le cadre des Exposciences et des Olympiades de physique avec les jeunes qui sont les découvreurs de demain. J’ai aussi eu la chance de lire ce livre au cours d’une mission au Pic du Midi (27/02 au 04/03/06), sur les lieux même où dans les années 50 certains protagonistes de l’aventure vinrent effectuer des travaux conduisant à la découverte de l’hypéron, annoncée au congrès de Bagnères de Bigorre (5 au 11/07/53), et de vous en proposer cette analyse.

Jacques Cazenove



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