Introduction au siècle des menaces

samedi 28 avril 2012

N°51 - INTRODUCTION AU SIÈCLE DES MENACES.
Jacques Blamont - O.Jacob Sciences - avril 2004 - 555 pages - Tout lecteur.

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RÉSUMÉ : Le développement des moyens de communication et d’information crée de nouveaux outils qui font peser sur la planète des menaces sur notre proche avenir, telles les armes de destruction massives, les épidémies et l’épuisement des ressources naturelles. Quelle avenir préparons-nous ?

MOTS CLÉ : Cyberwar, Netwar, réticulation, cybersphère, Moore,

L’AUTEUR : Professeur émérite à l’université Paris VI, membre de l’Académie des Sciences, Jacques Blamont est l’un des fondateurs de l’aventure spatiale française.

C’est parce qu’il pensait que la science, et plus particulièrement l’espace, apporterait à l’humanité les moyens de vaincre sa misère matérielle, que l’auteur nous propose son analyse de l’évolution de ces systèmes complexes que sont nos sociétés, où des boucles ouvertes régies par la loi de Moore peuvent les conduire à leur destruction, si un agent extérieur n’intervient pas à temps.

Les progrès de la science et de la technique, en particulier de l’électronique et de l’informatique, ont conduit à disposer à ce jour d’un réseau de communication qui en fait le moteur de notre histoire. Il y a ceux qui en profitent pleinement en investissant dans la recherche et le développement de moyens toujours plus performants dans le domaine des nouvelles technologies de l’information et de communication (NTIC) imposant leur domination par les armes (Cyberwar) sur ceux dont l’objectifs est d’utiliser ces même NTIC dans l’intention de nuire à l’adversaire (Netwar) en pénétrant les réseaux au niveau industriel ou nucléaire (usurpation d’identité, virus, vers), profitant de la vulnérabilité des structure d’information et de communication et de l’impossibilité d’éliminer les points faibles (en relation avec nos libertés individuelles).

La loi de Moore devrait gérer la miniaturisation et la puissance de nos calculateurs jusqu’en 2030 avec une constante de temps de l’ordre de 2 ans dans un paysage où l’horizon est structurellement limité à court terme par des problèmes de saturation touchant par exemple l’eau et la nourriture, ou de pustulation, poussant la population à s’agglomérer avec formation de gradients, germes de conflits entre Cyberwar (population disposant de 50 $/jour) et Netwar (population ne disposant que de 1$/jour). Cette structuration de l’information en réseau (réticulation) conduit forcément le combattant Cyberwar à acquérir la maîtrise dans ce domaine (Information Dominance) par la destruction de celle de l’adversaire ; le combattant Netwar (Al-Qaida, GIA, ETA) à déranger, endommager ou modifier ces mêmes informations, opérant dans les fissures des réseaux. Guerre de réseaux, contre des réseaux ! Guerres asymétriques.

L’auteur met ensuite en lumière l’écrasante supériorité des USA dans ce domaine, face à une Union Européenne plus soucieuse du bien être de sa population que de sa défense face à un terrorisme dont les sources sont surtout à rechercher dans un monde islamique peu maître de ses intégristes. Une analyse très fouillée sur les racines de l’hyper puissance des Etats-Unis qui leur permet de dominer la scène internationale dans pratiquement tous les domaines, parfois de façon jugée arrogante : le mécanisme essentiel réside dans l’interaction des différents acteurs avec libre circulation des idées et des capitaux destinés à préserver les avantages acquis sur les adversaires et alliés ! Le lecteur trouvera toute la stratégie de la cyberwar à partir de l’opérationnalisation de l’espace par des boucles ultrarapides dans le domaine de la compréhension des informations et de leur utilisation et dont la finalité consiste à inhiber la volonté et les capacités de l’adversaire. Des exemples récents de conflits illustrent cette tactique et ses limites, où la parole reste à la force et où l’Europe de la défense ne fait qu’afficher ses retards conceptuels.

Finalement, les progrès scientifiques et techniques ne procurent ni ne promettent plus de bonheur ou d’harmonie à l’humanité, mais conduisent à un nivellement des potentiels de nuisances entre les différents acteurs : un petit état « voyou » peut aujourd’hui disposer des moyens de détruire, avec une corrélation entre gradients d’instabilité régionale et acquisition d’armes de destruction massive (A.D.M) !

En conclusion l’auteur analyse les autres menaces relatives à l’exploitation abusive et irresponsable des ressources naturelles (eau, combustibles, alimentation) et aux dangers d’origine terrestres (pollutions, épidémies) et cosmique (gros météores) mettant en périls l’équilibre de la biosphère. La notion de développement durable, c’est-à-dire la gestion des ressources planétaires répondant aux besoins présents sans compromettre l’avenir, devrait lever les inquiétudes soulevées par la surexploitation du milieu et la mondialisation tous azimuts. La possibilité d’une auto destruction de l’espèce impose une éthique de l’espèce, d’autant que le fossé semble s’élargir entre les discours et les faits. Comment ne pas rester insensible à cette mise en demeure pascalienne : « Notre monde est prévenu qu’il doit mourir, mais il ne le croit pas » ?

Huit pages regroupant quelques 300 abréviations ( !) permettent de suivre ce discours où l’on a bien du mal à justifier l’imagination et la créativité de notre espèce pour qui le message essentiel de sa science demeure : « apprenez à ne pas vous tromper vous-mêmes ». (R.Feynman)

Sans vouloir porter atteinte à la qualité de l’ouvrage qui reste indéniable, j’avoue avoir éprouvé le besoin de retrouver « Terre des hommes » avec des Mermoz, Guillaumet et autres, qui eux aussi amorçaient à leur façon cette mondialisation de l’information et songer à cette réponse « ce que j’ai, je te le jure, jamais aucune bête ne l’aurait fait » à laquelle nous sommes peut-être en train de donner un autre sens !

Jacques Cazenove